MA : Feldenkrais était physicien ?
FM : Feldenkrais était docteur en sciences physiques et ceinture noire de judo
MA : Qu'est ce qui prouve que quand le corps a compris un mouvement ça peut lui permettre de l'emmener ailleurs ? vers un autre mouvement .C'est ça qui est obscur pour moi. Moi qui connais rien en biologie, j'ai pas trop de réponses.
FM : Ce n'est pas que d'avoir compris un mouvement ça amène vers un autre mouvement c'est qu'on explore plusieurs trajets possibles pour un même mouvement. On cherche le mouvement le plus fonctionnel pour la personne et pour cela on explore toutes les possibilités de mouvement par exemple : si on est allongé sur le dos, si on plie la jambe pour poser le pied debout sur le sol, on pourra le faire en glissant le pied sur le bord externe, sur le bord interne, en soulevant le pied, etc.. Mais on va très vite se rendre compte qu'il y a une façon de faire qui est plus facile pour soi, qui demande moins d'effort.
MA : Qu'est ce que cela apporte dans la vie quotidienne d'avoir cette conscience du mouvement ?
FM : ça donne une plus grande rapidité d'action, une unité de fonctionnement - tout se met en place quand tu décides de faire quelque chose - le mouvement se met en place tout seul et très rapidement. Il y a moins d'écart entre la pensée et l'action. Tu fais un branchement entre la pensée et l'action parce que tu as intégré ton fonctionnement.
MA : Mais si ce fonctionnement est naturel, finalement, tu fais l'apprentissage d'un mouvement qui est naturel. Pourquoi on travaillerait le mouvement s'il est naturel ?
FM : le mouvement de la plupart des gens n'est plu naturel. Pur toutes sortes de raisons professionnelles et psychologiques et aussi d'âge, leur schéma de fonctionnement fait que leur mobilité se réduit, que leur possibilité de choix s'amenuise.
On cherche à retrouver cet apprentissage de l'enfant qui joue avec sa motricité et développe son cerveau en même temps et qui découvre quelque chose. Dans le cas de l'adulte, c'est redécouvrir, parce qu'au cours des années on s'est enfermé dans des schémas de fonctionnement -des schémas mentaux - et en déstabilisant ce schéma de fonctionnement on crée des courts-circuits dans le mental.
Tu disais « pourquoi ça emmène ailleurs ? », ça emmène ailleurs parce que ça court-circuite le schéma fonctionnel et ça court-circuite le schéma mental. Ca peut aider pour des problèmes nerveux, des problèmes névrotiques parce que - qu'est ce que c'est névrose ? c'est de vouloir faire quelque chose et faire autre chose : on veut quelque chose et on fait l'opposé : il y a conflit, il y a dichotomie entre la pensée et l'action.
On cherche à avoir une unité de fonctionnement c'est à dire on veut quelque chose et l'action va dans se sens là et pas dans le sens contraire.
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MA : C'est pas une régression mais c'est une sorte de déprogrammation. C'est une déconstruction de la programmation.
FM : C'est mettre un petit grain de sable dans les rouages pour emmener la personne ailleurs, en dehors de ses schémas habituels (qui ne sont pas mauvais d'ailleurs) qui peuvent se modifier pour une plus grande richesse, une plus diversité de choix.
Ca donne à la personne une possibilité de choix. Tout le monde est enfermé dans des schémas de fonctionnement et quand on a des possibilités de choix c'est plus riche, c'est plus riche d'avoir la possibilité de parler trois langues qu'une seule, ou de choisir vraiment de faire un métier manuel ou intellectuel. C'est développer les potentialités du cerveau.
MA : C'est pas forcément visible. Je ne sais pas si on arrive à s'en rendre compte, pour moi ça reste de la théorie. Comment on s'en rend compte d'un point de vue pratique ?
FM : Comment je m'en rends compte dans ma vie quotidienne ? Par exemple, j'attrape les objets d'une autre façon, j'ai un comportement avec les gens plus aisé, tout cet apprentissage très lent, très minutieux du mouvement me permet d'être plus rapide quand j'ai besoin de l'être. Le temps entre la pensée et l'action se réduit - une rapidité du mouvement, de la pensée et de la mise en action de la pensée.
MA : Et ça, par la connaissance du mouvement ?
FM : oui, par la connaissance du mouvement mais le mouvement n'est pas une fin, c'est un moyen pour accéder à la conscience, à la rapidité d'exécution.
C'est très structuré - on dit que c'est un mouvement naturel mais cette redécouverte du mouvement naturel est très structurée - ça passe par une phase d'apprentissage très minutieuse de comment circule le mouvement à travers le squelette.
Au niveau physique, ça enlève des blocages, ça développe une fluidité, une élégance qu'on sent par moment, puis on retombe dans des anciens schémas, parce que plus on est vieux plus c'est difficile de modifier les schémas, mais par moments, tout d'un coup on peut se sentir vraiment très léger, très fluide dans ce qu'on fait et on sait que ça existe donc qu'on peut y retourner à un moment ou à un autre.
La méthode Feldenkrais est conçue pour s'adresser à tout le monde.
Une leçon Feldenkrais commence par vous faire vous questionner sur comment vous êtes allongé, comment vous êtes assis, comment vous êtes debout avant e changer quoi que ce soit.
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